Les Canala à l'exposition coloniale : Fictions
Mon journal intime
5 janvier 1932
Moi, Aurélia, 22 ans, originaire de Canala, je suis sur le quai de Nouméa.
Je suis avec des blancs et des Kanak, on attend les retour des Canala partis
pour l'exposition coloniale.
Lors de leur départ, tous ces gens étaient tristes mais ils se consolaient en pensant que leur absence ne durerait que huit mois, ainsi qu'il leur fut formellement promis par le recruteur en présence de M. Harelle. Mais cela fait déjà plus de un an qu'ils sont en France. On attend avec impatience leur retour, j'espère qu'ils ont fait un bon séjour et qu'ils ont plein de beaux souvenirs de l'exposition.
6 janvier 1932
J'espère que leur arrivée se fera aujourd'hui même sur le quai. J'étais avec une femme de Lifou, elle attendait le retour de son mari qui participait à cette exposition. Elle est catholique et priait pour eux, même quand on était sur le quai. vers 13 heures 30, on a aperçu au loin un énorme bateau qui se dirigeait vers nous. On pensait très fort que c'était eux. Quelques minutes après, on a vu le nom du bateau "ville de Verdun", la femme de Lifou disait que c'était ce bateau qu'ils avaient pris lors de leur départ pour La France. Nous étions très heureuses parce que ça fait "ouh, là là!!" si longtemps qu'on les attend. Les hommes ont lâché l'ancre du bateau.
Mais moi, je ne faisais qu'observer leur attitude et leur comportement lorsqu'ils descendraient à terre. Je regardais la femme de Lifou, elle cherchais son mari partout et d'un seul coup elle s'est arrêtée et a dit :" Oh, mon Dieu, mon mari, mon mari, c'est toi ? , ce que tu as changé !"
Son mari était vêtu avec de beaux vêtements, des chaussures et un sac. Quand elle m'a vu en train de la regarder, elle s'est dirigée vers moi. Elle m'a présenté son époux. Elle lui a demandé comment s'était passée l'exposition et le voyage. Il a répondu en disant qu'il avait adoré, que c'était formidable, qu'il avait fait la connaissance d'un copain qui l'avait beaucoup aidé. Pendant qu'il racontait, ses yeux étaient éteints, même s'il faisait celui qui était joyeux.
Sa femme m'a dit : " Bon, ben, on va rentrer. A bientôt ! J'espère que l'on se reverra un jour"
Moi je cherchais toujours ma soeur, mais je ne l'apercevais pas car il y avait beaucoup de gens. Dix minutes plus tard, il ne restait que quelques personnes, je me suis inquiétée et je l'ai enfin vue.
Je l'ai embrassée très fort, en pleurant de joie, elle m'a dit : "On va rentrer chez nous à Canala".
11 janvier 1932
Nous sommes arrivées chez nous. Pendant les cinq jours du voyage, elle m'a raconté son voyage qui a été épouvantable, horrible. Elle m'a dit qu'ils furent traités comme des cannibales, ils dansaient toute la journée, même quand il pleuvait. Là-bas, il faisait très froid et ils n'étaient vêtus que d'un morceau de'étoffe. On les forçait à faire des pirogues. En France, la plupart des blancs avaient de la peine pour eux, et parfois ils leur donnaient des vêtements. Mais, moi, je ne comprends pas pourquoi l'homme de Lifou avait dit que c'était bien, qu'ils avaient fait un bon séjour.
Pourtant, ma soeur m'a dit que tout le monde avait souffert. Ma soeur a toujours gardé en elle ce terrible souvenir.